FALL PARAISO
Cabinet d'Avocats à Marseille

À propos de la nullité de l’acte de saisie pour décompte inexact


La nullité de l’acte de saisie pour décompte inexact, incomplet ou erronée est devenue ces dernières années un moyen dont le plaideur peut se prévaloir et que le juge peut retenir comme solution[1].

 

Le temps passant, se développe ce qu’il est commun d’appeler une « jurisprudence » et qui, çà et là, exprime l’habitude prise par une juridiction d’apporter la même réponse à la même question à elle posée par des parties placées dans les mêmes positions d’un litige à un autre.

 

Ainsi, pour obtenir la mainlevée d’une saisie-attribution, d’un commandement de saisie-vente, le débiteur saisi prétend-t-il parfois qu’il n’est pas en mesure de vérifier l’exactitude des sommes réclamées par le créancier poursuivant faute d’un décompte précis, détaillé en principal, frais et intérêts. Bien souvent, le grief tient en l’imputation des versements effectués par le débiteur et dont le créancier ne justifie pas de la ventilation entre capital, intérêts, frais et accessoires dans l’acte de saisie. Pour celui qui conteste, le décompte est alors inexact ou incomplet. Ce serait une cause de nullité et donc de mainlevée de la mesure.

 

Le juge de l’exécution n’est pas insensible à l’argument[2].

 

Le gain qu’espère l’un de l’autre et inversement ne souffre de considérer la loi qu’autant qu’elle permet de gagner le procès pour l’un et du temps pour l’autre – cela dans un contentieux dont la croissance rapide et continue confirme une donnée à la fois sociale et économique qui est que la société secrète de plus en plus de procès.

                                                                                                                                           

Pour autant, les dispositions du code des procédures civiles d’exécution en matière d’exécution mobilière ne prescrivent pas une telle solution.

 

Pour ce qui est de la saisie-attribution, l’ancien article 56 du Décret n°92-755 du 31 juillet 1992, devenu R. 211-1 du code des procédures civiles d’exécution, dispose que : « Le créancier procède à la saisie par acte d'huissier de justice signifié au tiers.

Cet acte contient à peine de nullité :

(…)

3° Le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d'une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d'un mois prévu pour élever une contestation ».

 

La règle est la même en ce qui concerne la saisie-vente de l’article 81 du même décret, désormais R. 221-1 CPCE : « Le commandement de payer prévu à l'article L. 221-1 contient à peine de nullité :

1° Mention du titre exécutoire en vertu duquel les poursuites sont exercées avec le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l'indication du taux des intérêts ».

 

L’absence que la nullité sanctionne dans ces dispositions n’est pas celle d’un décompte précis et détaillé en principal, frais et intérêts ou mieux avec l’imputation des paiements effectués et leur ventilation aux différents postes des sommes réclamées.

 

Ce que sanctionne la loi, c’est tout simplement l’absence de mention du décompte.

 

Car la nullité de l’acte de saisie n’est pas encourue au prétexte que l’acte de saisie ne comporterait pas la somme exacte due par le débiteur.

 

Les articles R.221-1 et R.221-1 ont pour objet de permettre au débiteur saisi d'être complètement informé quant au montant de la dette objet de la mesure d’exécution, afin de lui permettre de s’en libérer ou d’élever toutes contestations utiles.

 

Dès lors, il n'est pas exigé que le décompte des sommes réclamées soit exact, mais que ses éléments soient suffisamment précis pour être vérifiables.

 

Au pire, l’absence de mention des intérêts, frais et accessoires, par exemple, est sanctionnée par la perte des intérêts, des frais et accessoires pour le créancier qui ne pourra alors exiger du débiteur que le principal.

 

Au mieux, le juge à la faculté de corriger et d’apprécier la portée de la saisie si l’un des postes de la créance est injustifié au regard, par exemple, des paiements effectués.

 

Bref, la nullité n’a jamais été la sanction d’un décompte inexact ou incomplet.

 

La loi ne le prévoit pas. Ce que prévoit la loi c’est qu’il soit fait mention d’un décompte des sommes réclamées. Autrement dit, que le procès-verbal de l’acte de saisi fasse état de la décomposition de la créance poursuivie, en principal, frais et intérêts, peu important que ces sommes ne soient détaillées (nombre d’échéances impayés, imputation de paiements, montant total des intérêts, taux d’intérêt, coût total des frais, etc.).

 

En pratique, les sommes réclamées varient nécessairement avec le temps. Elles s’ajoutent, se réduisent ou se déduisent d’autres montants depuis l’exigibilité de la créance jusqu’à son parfait paiement. Et cela d’autant plus que l’exécution forcée reste une procédure malgré l’immédiateté que l’on pourrait accorder, par exemple, à la saisie-attribution en raison de l’indisponibilité des fonds. Car il faut encore au créancier purger le délai de contestation, le cas échéant répondre aux contestations élevées et en fin de compte attendre la décision du juge de l’exécution avant de recevoir paiement lequel peut encore être, aménagé, rétréci, cantonné en fonction de l’état de la créance au jour où le juge statue. Bref, le temps de l’exécution forcée elle-même est un facteur d’évolution du décompte.

 

Quant à la Cour de cassation, la deuxième chambre civile juge notamment que les dispositions qui prescrivent à peine de nullité de faire figurer dans l’acte de saisie un décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts, n'exige pas que chacun de ces postes soit détaillé et que la circonstance qu'un de ces postes s'avère injustifié n'affecte que la portée de la saisie et non sa validité[3]. La réclamation même d’une somme supérieure à celle constatée par le titre exécutoire n’entraine pas la nullité de l’acte de saisie[4].

 

En un mot, seule l’absence de décompte peut être cause de nullité de la saisie[5], non la mention d’un décompte inexact, incomplet ou erronée dont le débiteur peut toujours demander au juge de l’exécution d’en opérer la rectification.

 

En revanche, et cela va de soi, lorsqu’un acte de saisi est délivré sur le fondement de plusieurs titres exécutoires, constatant des créances distinctes, il doit contenir un décompte distinct pour chacun des titres exécutoires en vertu duquel l’exécution forcée est poursuivie[6].

 

En effet, si seule l’absence du décompte est susceptible d’entrainer la nullité de l’acte, il n’empêche que toute créance reste fonction du titre exécutoire en vertu duquel les poursuites sont exercées. Partant, l’acte de saisie établi en vertu de plusieurs titres exécutoires constatant différentes créances doit comporter la mention d’un décompte distinct pour chacune des créances poursuivies.

 

Mais ici, comme en présence d’un seul titre exécutoire, constatant une créance unique, seule l’absence de décompte demeure sanctionnée par la nullité de l’acte de saisie[7], non le décompte inexact, incomplet ou erronée.

 

Est-ce parce que la vérité n’est pas utile au droit et à sa pratique ?

 

Les juristes acceptent cet imparfait. De leur art ils savent que le justiciable s’obstinera toujours à y chercher l’instrument de la vérité même si, comme le dit Villey, la vérité est comme un œuf qu’on ne verra jamais que par moitié mais dont les philosophes font le tour dans l’illusion de voir le tout[8].

 

[1] Civ. 2e, 27 sept. 2018, n°17-20090.

[2] CA Versailles, 15 nov. 2018, RG N°17/03702 ; CA Versailles, 15 nov. 2018, RG N°17/04562 ; CA Versailles, 20 avr. 2017, RG N° 15/03495 ; CA Nîmes, 27 mai 2014, RG N° 13/01736.

[3] Civ. 2e, 20 janv. 2011, n°09-72080 ; Civ. 3e, 19 mai 2010, n°09-12440.

[4] Civ. 2e, 27 févr. 2004, n°02-20160, Bull. II, n°249 ; D. 2004, IR 1860 ; Gaz. Pal. 13-14 avril 2005, p. 33, obs. Brenner.

[5] Civ. 2e, 19 sept. 2002, n°00-22086, Bull. II, n°183 ; D. 2002, IR 2718; Procédures 2002, n°20, note Perrot ; Gaz. Pal. 14-15 mars 2003, p. 17, obs. Brenner.

[6] Civ. 2e, 23 févr. 2017, n°16-10338 P ; Dalloz actualité 3 mars 2017, obs. Payan.

[7] Civ. 2e, 27 sept. 2018, n°17-20090.

[8] Les Carnets, III, 3.

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